LE GRAND BAIN AVEC ANNE DEFRÉVILLE

LE GRAND BAIN AVEC ANNE DEFRÉVILLE

UN MINI-JOURNAL GRATUIT POUR DÉCOUVRIR LES FONDS MARINS

Anne Defréville, à qui l’on doit – entre autres – les deux albums Mémoires d’un cétacé (Delcourt) et Journal anthropique de la cause animale (Futuropolis), imagine pour les enfants des écoles d’Aix-en-Provence un mini journal (avec un super poster) pour sensibiliser les élèves à la protection des fonds marins et à la préservation des cétacés. Distribué dans les établissements, grâce la complicité de l’équipe de la cuisine centrale, le journal est disponible, pour tous, à l’Office de Tourisme, le 18 décembre. L’occasion de poser quelques questions à l’autrice-illustratrice engagée dans la protection de la biodiversité…

Frise de poissons par Anne Defréville

QUESTIONS-RÉPONSES ENGAGÉES

BD-AIX : Depuis longtemps, la défense de l’environnement et en particulier des fonds marins est une priorité pour toi, qui se traduit par de nombreux albums. D’où te vient cet engagement qui est devenu indissociable de ton travail d’autrice-illustratrice et que tu définis aussi en tant que « naturaliste » ?

ANNE DEFRÉVILLE : Ma fascination pour la nature a toujours été indissociable de mon crayon et remonte à ma petite enfance. Pour dessiner, il faut observer, il faut contempler. J’ai grandi ici, dans le sud, entre mer et montagne. Quand on voit progressivement son lieu de vie se dégrader, se réchauffer et impacter la biodiversité, comment ne pas réagir ? L’Art est une solution, en tout cas c’est la mienne pour agir.

Journal et poster sur la protection des cétacés par Anne Defréville

BD-AIX : Dans le petit journal que tu réalises pour les enfants des écoles d’Aix, tu racontes ta dernière mission de recensement des cétacés en Méditerranée aux côtés de MIRACETI. Peux-tu nous raconter en quoi cela consiste et comment est née la collaboration avec cette association locale ?

AD : En 2019, je terminais L’âge bleu, sauver l’océan (Buchet-Chastel) et je commençais Journal anthropique de la cause animale (paru en 2022 chez Futuropolis). Je n’ai pas de formation en biologie et j’avais besoin de connaissances spécifiques pour enrichir mes bandes dessinées. Alors j’ai suivi à Bandol une formation de trois jours labellisée High Quality Whale Watching qui permet de favoriser une activité d’observation des cétacés respectueuse et responsable. C’est lors de cette formation que j’ai rencontré MIRACETI. Depuis nous avons fait de nombreuses collaborations : j’ai même designer leur logo. En tant que partenaire, j’ai eu la chance de participer à des missions de recensement de cétacés en Méditerranée à leur côté ; à bord d’un catamaran, nous effectuons des tournantes d’observations sur 360° durant toute la journée sur plusieurs jours. C’est très fatigant mais aussi très contemplatif. Et quand la dorsale d’un dauphin apparaît, c’est la joie.

extrait de la BD d'Anne Defréville avec les deux poules Bianca et Camélia

BD-AIX : Dans la BD, ce sont deux petites poules sur le pont du bateau qui racontent votre rencontre avec un cachalot. Mais qui sont ces deux poules que l’on retrouve également sur ton BLOG intitulé Arsenic & petites bretelles ? 😊

AD : Ce sont feu Bianca et Camélia, deux poules que nous avions lorsque nous habitions en forêt de Fontainebleau. J’ai toujours trouvé qu’elles étaient beaucoup moins bêtes que l’image qu’on se fait d’une poule, et de la taille de son cerveau. Je raconte leur fin tragique dans Journal anthropique de la cause animale : Nous leur avions construit un poulailler digne de Fort Knox avec une barrière qui se fermait à la nuit tombée pour les protéger des prédateurs. Mais lorsqu’elles ont vu que le lapin nain restait dormir dans la maison avec nous, elles ont découché et se sont mises sur le pas de la porte d’entrée. Comme dans une fable de La Fontaine, leur jalousie leur a coûté la vie, lorsque la fouine est passée par là. Depuis je les fait revivre à coup de tâches de café. Elles sont mes porte-paroles de l’actualité.

extrait de la BD d'Anne Defréville avec les deux poules Bianca et Camélia

BD-AIX : Le journal dresse aussi la carte d’identité du cachalot. On y apprend que le mammifère marin peut vivre jusqu’à 70 ans, qu’il ne donne naissance qu’à un petit et qu’il raffole des calmars géants. C’est un cétacé incroyable, mais s’agit-il de ton animal préféré ? As-tu envie de tirer le portrait à d’autres animaux marins pour les enfants ?

AD : Je suis plongeuse depuis l’adolescence, et toutes les espèces marines me fascinent. J’en découvre de nouvelles presque à chaque plongée. J’aimerais bien présenter aux enfants la faune extrêmement riche de notre littoral méditerranéen. C’est certain que les dauphins et les baleines, ça fait rêver car ce sont un peu nos cousins éloignés (ça aussi, c’est une chouette histoire à raconter). Mais c’est bien aussi de découvrir de minuscules et féériques mollusques comme les flabellines mauves ou les doris dalmatiennes. Je ne pense pas avoir d’animal préféré. Les observer sans les déranger, c’est ça que je préfère. 😊

Aquarelle d'une doris dalmatienne par Anne Defréville
Doris dalmatienne réalisée pour le site de référencement DORIS (Données d'Observations pour la Reconnaissance et l'Identification de la faune et la flore Subaquatiques), qui est un projet collectif de la Commission Nationale Environnement et Biologie Subaquatiques (CNEBS). Pour en savoir plus, cliquez sur l'aquarelle.

BD-AIX : Dans le cadre d’actions de sensibilisation, tu réalises aussi des concerts dessinés. En quoi consistent ces rendez-vous en musique ?

AD : Mon travail de sensibilisation et de bédéiste me permet souvent de voyager. Qui dit voyage, dit observations, écoutes, croquis et dit carnet de voyage. Le concert dessiné est un spectacle poétique qui résume tout ça : je dessine un carnet de voyage selon la thématique (les baleines, mais ça peut être aussi Le Lion…) sur une composition musicale de Happy Sound, mon conjoint qui me prépare des arrangements musicaux ou ses propres productions.

extraits de la bibliographie d'Anne Defréville

BD-AIX : Concernant la protection des mammifères marins, tu as réalisé le super album Mémoires d’un cétacé chez Delcourt, mais as-tu déjà de nouveaux projets en route ? Et si oui, peux-tu nous en dire plus ?

AD : En ce qui concerne la mer, j’ai également réalisé L’âge bleu, sauver l’océan (Buchet-Chastel) avec l’association BLOOM. Ce livre paru en 2019 a vraiment été le point de départ de mon engagement en BD. Il a d’ailleurs été primé à plusieurs reprises. Je réalise aussi des œuvres marines sur papier mâché ou sur des supports recyclés. Elles sont actuellement exposées à la bibliothèque Raoul Mille à Nice jusqu’au 16 janvier 2025. Et en ce moment, je suis sur le bouclage d’une BD en collaboration avec la Cité des sciences et de l’Industrie sur l’éco-anxiété, avec en co-autrice Alice Desbiolles (médecin de la santé publique). Elle s’intitule Le meilleur des deux mondes et vient accompagner l’exposition permanente Urgence climatique visible à la Cité des sciences. Elle paraîtra en mars 2025 chez Futuropolis.

Le Lion de Joseph Kessel illustré par Anne Defréville

BD-AIX : Récemment, tu as aussi illustré le roman Le Lion de Joseph Kessel pour les éditions Futuropolis en collaboration avec Gallimard. Comment est né ce projet ? Quel a été le plus grand défi dans le fait d’illustrer un texte aussi célèbre ?

AD : J’ai découvert Le Lion de Kessel au collège, lecture imposée entre Le Livre de la jungle de Kipling et Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier. Mais, je l’ai lu comme un devoir à faire. Et il y a deux ans, une amie bibliophile me dit : J’ai relu Le Lion de Kessel. Tu dois l’illustrer. Il est pour toi. Alors je l’ai relu, et je l’ai trouvé fantastique. 35 ans plus tard. Grâce aux éditions Futuropolis, ce projet a pu voir le jour. En mars 2024, j’ai même pu me rendre sur les lieux du récit, au pied du Kilimanjaro, et voir le lion dans son milieu naturel. J’ai mesuré la justesse des mots de Kessel face à cette nature préservée.

Illustration du roman Le Lion de Joseph Kessel par Anne Defréville

Le plus grand défi était de dessiner le lion. Un dessin de lion peut vite faire décoration de Harley Davidson ou tatouage de gros bras. C’est un peu comme dessiner une baleine, c’est très difficile de rendre hommage à la beauté animale. Je me suis d’ailleurs aidée de pigments naturels, de café et du brou de noix, un peu comme la manyatta Maasaï est faîte de bouse de vache et de cendre.

Frise de poissons par Anne Defréville

BD-AIX : Ton engagement écologique se traduit donc aussi dans ta pratique du dessin. D’où te vient cette technique de peindre tes BD avec des pigments naturels, de la gomme arabique, du miel, du savon ou du café… et comment l’as-tu développée ?

AD : En 2016, j’ai suivi une formation de 6 semaines aux techniques de fresque à la chaux et peintures naturelles au centre de formation Artemisia de Paris ; Ça a vraiment tout changé pour moi. Même en ayant fait les beaux-arts, je n’avais jamais abordé ces techniques souvent ancestrales. Aujourd’hui, j’adore enseigner la peinture à l’œuf aux enfants lors de mes interventions de sensibilisation à l’écologie.

BD-AIX : Pour conclure, peux-tu nous conseiller un livre, un film, un plat et une chanson ? 😊

AD : Le mur invisible de Marlen Haushofer (Actes Sud), Microcosmos, le peuple de l’herbe de Marie Pérennou, les girolles à la crème, Maximus de Happy Sound.

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