ENTRE FICTION ET RÉALITÉ – ÉPISODE 1
Camille Lavaud Benito tire des fils entre fiction et réalité pour s’aventurer bien au-delà de la BD. Si l’artiste s’inspire de documents authentiques, elle n’hésite pas à brouiller les pistes en inventant des éléments factices (faux films, faux livres, fausses réclames…). Une méthode qu’elle nous explique en lien avec l’exposition Cas de Figure qu’elle a imaginée pour le Festival…
QUESTIONS-RÉPONSES
Tes affiches de cinéma sont à l’origine de ta démarche créative. Peux-tu nous dire ce qui t’as amené à dessiner des affiches de films qui n’existent pas
Depuis longtemps, je souhaite m’orienter vers l’image animée. Venant du dessin, cela me semble complexe, car tout est cloisonné. Je me suis donc dit, que pour amorcer ces projets filmiques qui verront le jour ou non, l’étape première et peu coûteuse pouvait être la réalisation d’affiches fictives. La Hammer Films productions procédait de la sorte, ils commençaient par réaliser une affiche, et si elle était bien reçue, ils s’engageaient dans le film. J’ai donc listé des titres et lorsque l’un m’a semblé pertinent, j’ai fait l’affiche. Aujourd’hui, j’ai tout un catalogue de films qui n’existent pas.
Qu’est-ce que Le Consortium des Prairies qui apparaît aussi sur tes affiches ?
Mes premières affiches datent de 2013 et sont ancrées dans les codes graphiques des films des années 30-40. Il n’y a pas de noms d’acteurs comme aujourd’hui (faux acteurs, personnes de mon entourage ou amis proches, parents défunts, martyrs de la résistance…). En revanche, il fallait que je trouve une maison de production fictive. Je l’ai appelée Le Consortium des Prairies. C’est depuis une dénomination générique pour signifier ce jeu fictionnel, entre cinéma, littérature et graphisme.
À partir d’une affiche fictive, tu imagines donc tout un univers, qui peut prendre de nombreuses formes, c’est bien ça ?
Oui. c’est ça. Avant d’être mon premier album, La Vie Souterraine était une affiche fictive de film et comme ce titre me plaisait, j’ai développé un synopsis court. Puis, j’ai décidé de réaliser une bande-annonce. Suite à ça, je me suis dit que je pourrais en faire un album, qui serait comme le storyboard de luxe de ce faux film. Mon travail est le cheminement d’un film qui se déroule à l’envers. Je commence par la fin…
La bande-dessinée est donc un outil parmi d’autres pour aller vers le film ?
Disons plutôt que je considère la page comme un espace scénographique. Je fais tout pour considérer mon métier – celui de dessinatrice – comme celui d’un metteur en scène, chef décors, script… C’est comme un rituel qui rend le travail de recherche et de dessin plus intéressant et plus expérimental. Le film est en soi une frustration, car je n’ai pas les moyens d’y aller, alors j’explore des pistes intermédiaires qui, finalement, s’avèrent tout aussi passionnantes.
Tu travailles aussi à la réalisation de pochettes pour le label Born Bad Records et le groupe Forever Pavot. Comment est née cette collaboration et de quoi t’es-tu inspirée pour réaliser leur pochette ?
C’est Born Bad qui m’a présenté Émile (Sornin). Lorsque je fais une pochette, j’ai la tracklist en avance, que j’écoute des centaines de fois pour voir ce qui peut en ressortir graphiquement. L’idiophone m’évoque les polars français de la fin des années 70-80, notamment les films d’Alain Jessua. À partir de là, la tracklist est comme un scénario. Chaque morceau est un chapitre d’une histoire de cavale d’un personnage inventé par Émile. Pour la pochette, il faut condenser cette histoire. C’est l’un des exercices les plus difficiles. Actuellement, Émile me crée une musique sur mesure pour ma seconde BD. Cette fois, on procède dans le sens inverse. Je lui donne des bribes de scénario, et il imagine une sonorité… Affaire à suivre.
L’exposition Cas de Figure de Camille Lavaud Benito est visible jusqu’au 28 mai au Musée des Tapisseries d’Aix-en-Provence (28 pl. des Martyrs de la Résistance). Tous les jours 10h-12h30 et 13h30-18h (fermé le mardi). L’entrée est libre. Pour en savoir plus, cliquez ici.
Forever Pavot est en concert au 6MIC d’Aix-en-Provence (160 rue Pascal Duverger) le samedi 20 mai à 20h. Tarifs et réservations : 6mic-aix.fr