FICTION ET RÉALITÉ PAR CAMILLE LAVAUD BENITO (EP. 2)

FICTION ET RÉALITÉ PAR CAMILLE LAVAUD BENITO (EP. 2)

ENTRE FICTION ET RÉALITÉ – ÉPISODE 2

Prix révélation à Angoulême en 2022, avec La Vie Souterraine, aux éditions Les Requins Marteaux, le travail de Camille Lavaud Benito s’aventure bien au-delà de la BD. Si l’artiste s’inspire de documents authentiques, elle n’hésite pas à brouiller les pistes entre fiction et réalité en inventant des éléments factices (faux films, faux livres, fausses réclames…) pour enrichir son récit. Une méthode qu’elle nous explique dans l’épisode 1 et nous donne à voir dans le journal Détection imaginée à l’occasion de l’édition 2023 du Festival. Le journal est désormais disponible en téléchargement sur la page du Kiosque BD-AIX, l’occasion de quelques questions supplémentaires…

QUESTIONS-RÉPONSES

En plus de l’expo pour le festival, tu nous as proposé cette année, une création originale, sous forme de journal, intitulée Détection. D’où vient ce titre ?

J’ai trouvé ce nom il y a des années et je voulais faire un journal depuis très longtemps. J’avais illustré un article pour une revue qui traitait de la territorialité des faits divers. Pour l’occasion, j’avais déjà créé une illustration, présentant une couverture inspirée des revues type Allo Police ou Le Petit Journal.

Le journal ressemble à une plongée dans ta psyché qui permet de comprendre ta manière de travailler (en partant de la ligne graphique pour aller vers les imbrications possibles entre réalité et fiction, puis arriver à un jeu de recombinaisons qui passe par la valeur symbolique des objets ou les films qui nous construisent). Est-ce ainsi que tu l’as imaginé ?

Tout à fait. Merci ! Je voulais raconter l’histoire de l’histoire. Montrer comment on part d’une archive réelle pour s’immiscer « par effraction » dans la fiction. Tu as tout dit. 🙂

Peux-tu nous livrer quelques clés supplémentaires ? Qui est la dame en robe blanche, qui nous invite à la suivre « dans les combles de l’histoire » ?

J’ai travaillé sur ce journal entre janvier et mars 2023. Ma grand-mère Dédé est décédée au même moment. Je me suis replongée dans ses archives et elle est devenue mon personnage principal. Quand j’étais gamine, Dédé sortait une boite à chaussures qui contenait des photos. Dans ce rituel, on s’attardait toujours sur deux photographies de tondues prises sur le parvis du tribunal de Bergerac. Il y avait aussi des images d’Oradour sur Glane. Elle me parlait de la guerre, d’elle ado, des « boches »… et ça m’a vraiment marqué. Je les illustre d’ailleurs dans une double page. Ces images synthétisent ces instants de l’enfance. Je pense que ce rapport aux vieux documents, à leur ritualisation, ont déterminé beaucoup de choses dans mon travail… sur le comment je veux raconter des histoires, mais aussi l’Histoire.

Journal Détection - Camille Lavaud Bénito - pages 2 et 3 (extraits)

Dans le journal, une phrase m’a marqué : « Le dessin, c’est un para-théâtre, ou encore un film où l’on peut s’autoriser toutes les sortes de trucage. C’est aussi un cinéma muet où le spectateur sait qu’il est en présence d’illusions. » Elle semble résumer ton approche du dessin. Est-ce le cas ?

Tout à fait. C’est vrai que, dans ce journal, je raconte pas mal de choses sur ce qu’est, pour moi, le dessin. C’est mon cinéma statique. Puis, signifier qu’on est en présence d’illusions, c’est important, compte tenu de notre époque.

Au sujet de la suite de La Vie Souterraine. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

L’album s’intitule Les Silencieux. Je suis en pleine écriture et je dois boucler mon scénario d’ici la fin de l’année. On y retrouve tous les personnages phares du premier : Etavard, Claudette, Minouche, Joseph etc… en août 44. On suit leur histoire, pour certains sous forme d’exofiction, jusque dans les années 60. S’en suivra une séquence importante sur les escrocs de la carlingue (une officine de la gestapo parisienne) et de la gestapo en général. Dans cette suite, les géographies et les noms changent, d’autres personnages importants débarquent. Je m’inspire aussi de deux faits divers très importants, liés au milieu cinématographique et littéraire de l’époque. Je suis en train de tisser ma toile. 🙂

Pour retrouver en ligne le journal Détection, ou le recevoir directement par courrier en version papier, rendez-vous dans le Kiosque BD-AIX.

Journal Détection - Camille Lavaud Bénito - pages 4 et 5 (extraits)