Dans le cadre du Festival, Yann Legendre et Serge Lehman, proposent une installation et un journal collector autour de Vega paru récemment chez Albin Michel. L’album est un polar haletant qui raconte, en 2060, la découverte par une anthropologiste, de la dernière femelle orang-outan. Mais un mouvement qui revendique l’égalité de droits entre humains et animaux tente de s’emparer de la survivante pour recréer l’espèce par clonage…
QUESTIONS-RÉPONSES
Vega navigue entre science-fiction et anticipation en traitant de thèmes qui posent question aujourd’hui (comme le clonage, la protection des espèces…), comment l’idée est-elle venue ?
Tout a commencé par le personnage d’Ann Vega. Cette femme scientifique qui allait devoir se battre contre tous pour sauver la dernière femelle orang-outan de la terre. En parallèle de sa mission, elle devra aussi composer avec un problème physique mystérieux : l’effacement progressif de son corps vers une autre dimension. Puis le personnage d’Alter Pongo m’est venu, une sorte de prophète, éco-terroriste qui se bat pour la reconnaissance des droits des animaux.
Pour ton précédent album, tu avais travaillé seul. Comment la collaboration avec Serge Lehman a-t-elle pris forme ?
Quand j’ai pitché le projet à mon éditeur, il m’a recommandé de m’associer à un scénariste pour développer cette histoire ambitieuse. J’ai tout de suite pensé à Serge, que je ne connaissais pas personnellement, mais dont l’œuvre m’était familière. Je l’ai appelé, raconté les brides du projet et il sauté dans l’aventure immédiatement.
Graphiquement, le choix de la couleur s’est imposé dès le départ du projet ?
Oui, la couleur était un composant essentiel, d’ailleurs je parle plus ici de lumières que de couleurs. Je voulais créer de grandes nappes de lumières irradiantes pour que l’immersion du lecteur soit totale. Je me suis inspiré de l’artiste James Turrell qui se définit comme un sculpteur de lumière.
Au début, The Sheep Look Up (Le Troupeau Aveugle en français) de John Brunner est un joli clin d’œil. Avec Serge Lehman, est-ce que d’autres livres, bandes dessinées ou films ont été des sources communes d’inspiration pour Vega ?
Non pas vraiment, The Sheep Look Up est arrivé un peu par hasard dans l’histoire, mais la référence était trop belle pour ne pas être citée. En dehors de ça, je crois qu’aussi bien Serge que moi puisons nos inspirations dans ce qui se passe, ou risque de se passer, dans notre monde au travers de lectures, documentaires, fictions et autres…
Pour le lecteur, le récit n’est pas du tout manichéen. Même si l’on s’attache spontanément au docteur Vega, le discours d’Alter Pongo pose inévitablement des questions. J’imagine que cette ambiguïté était voulue ?
Oui tout a fait. L’idée pour nous est de ne surtout pas être moraliste ou militant, mais au contraire de laisser le lecteur se faire sa propre opinion, face à des sujets qui demandent une réflexion collective.
Sans la dévoiler, la fin prend un tournant poétique, comme si l’humain avait peut-être désormais la possibilité de ne faire plus qu’un tout avec l’univers. Ann évoque le protocosme, mais peux-tu nous en dire plus ?
C’est difficile d’évoquer cette partie sans dévoiler la fin. Je pense qu’il y a tous les éléments de réponse dans ta question. 🙂
L’exposition est très immersive. Avec Serge Lehman, comment avez-vous pensé sa composition au regard de l’album ?
Je viens de la culture comics, c’est à dire avec des compositions de pages qui ont pour objectif d’être le plus immersif possible et des mouvements proche d’une caméra. L’idée est que le regard du lecteur soit toujours stimulé.
La voix de Dewi accompagne le visiteur. Pourquoi spécifiquement ce choix ?
Dewi fait le lien entre passé, présent et futur. Sans trop dévoiler l’histoire, elle est aussi le lien entre Ann et Pongo… et puis elle sera l’héroïne de notre prochain livre 🙂
Avec Serge Lehman, vous avez aussi créé, pour le Festival, un journal qui s’inscrit dans la temporalité de Vega. Comment l’avez-vous imaginé ?
Dans l’album, nous avons volontairement laissé des portes ouvertes et le journal vient compléter/prolonger, à sa manière, certaines parties de l’histoire et faire le lien avec ce qui est à venir…
Le sujet des articles y est troublant – on parle de l’omniprésence de l’intelligence artificielle ou de contenus viraux qui pullulent – au point que le lecteur peut avoir le sentiment de lire un journal du futur… qui nous parle d’aujourd’hui. Est-ce que cette envie faisait partie de l’exercice ?
Oui tout à fait. Le jeu est de différencier la fiction de la réalité et le support journal est parfait pour brouiller les cartes…
L’exposition Vega a lieu du 8 avril au 28 mai 2023, au cœur du Lieu 9 (Galerie de l’Office de Tourisme, 300 av. Giuseppe Verdi, Aix-en-Provence). L’entrée est gratuite. Le journal collector est offert à tous les visiteurs de l’exposition.
