Né en 1972, Jérôme Gorgeot dessine depuis son plus jeune âge. Au début des années 90, il est pourtant à un cheveu d’abandonner le dessin lorsqu’il découvre la BD indépendante. « J’étais subjugué ! L’horizon s’est ouvert à 3 000 % ». Ainsi, depuis un quart de siècle, il raconte sa vie en bande dessinée dans une sorte de journal de bord baptisé Gorgeous Comix. « C’est d’abord une façon de garder un souvenir des moments clés de mon existence. Mais pour être franc, c’est également une forme de thérapie » confie le dessinateur.
Ses planches sont réalisées volontairement dans un style lâché, en noir et blanc. « En tant que lecteur comme en tant qu’auteur, je n’ai aucune appétence pour le dessin bien léché, joli… Et même, pour tout dire, ça m’ennuie profondément ! Voilà pourquoi j’ai opté assez naturellement pour une approche beaucoup plus underground. Mon trait approximatif, maladroit, se marie bien avec les cases de mes planches souvent inondées par le texte. Que voulez-vous, je suis comme ça dans la vie : imparfait, bavard… et débordant !».
Par ailleurs, Jérôme Gorgeot est le rédacteur en chef du collectif de BD Egoscopic. Une revue de référence en matière d’autobiographie qu’il crée en 2012 et à laquelle ont déjà participé plus de 200 auteurs français et étrangers. Pour ce faire, Jérôme a fondé sa propre maison d’édition associative, le Studio FGH. « Je ne conçois la Bd que comme une aventure collective. Sinon, à quoi bon ? ».
Pour aller plus loin : Egoscopic – Gorgeous Comix
Pourquoi avoir choisi de travailler à la maison ?
En vérité, je ne me souviens pas avoir jamais scénarisé quoi que ce soit chez moi. J’ignore pourquoi, mais il faut toujours que je fasse cela à l’extérieur, dehors, et à 90 % dans un café. A l’inverse, à 99 % je dessine chez moi. Si possible sans témoin. Plutôt le soir. Il est extrêmement rare que je parvienne à gribouiller la journée. L’envie n’y est jamais ! Si cela remue autour de moi, c’est mort, je ne peux pas dessiner.
J’ai une pièce à la maison au deuxième étage, tout en haut. J’ai décoré cet espace pour le rendre le plus inspirant possible. L’idée étant que mon œil se porte forcément sur des œuvres qui me stimulent. Au mur, une tripotée de cadres de dessins que m’ont offert des amis dessinateurs. On m’a fait remarquer un jour qu’il s’agissait essentiellement de dessins de ma trombine. C’est idiot mais je ne l’ai jamais perçu ainsi. Moi je vois le talent de mes pairs mis en valeur. OK, ils partent souvent de ma bouille toute ronde mais ce n’est pas ça qui compte. Ce qui est génial c’est de voir, partant d’un même sujet quelle est l’approche graphique de chacun de ces artistes.
Probablement aussi que tous ces cadres me rappellent la chance qui est la mienne d’avoir tous ces copains dessinateurs.
Quelle est ta méthode de travail ?
D’abord, je scénarise. Il est impensable pour moi de prendre un crayon si je ne sais pas exactement où je vais. Et pour pondre un scénario, il me faut à tout prix : un calepin, un feutre, de quoi écouter ma musique au casque et une table de café. Autant je bâcle mon dessin, autant j’accorde une importance énorme au moindre mot… Ensuite, je m’échine à trouver quoi dessiner pour accompagner mes textes particulièrement bavards. Je prends des photos avec mon smartphone, pour capturer un objet, un décor précis, une position… Fréquemment, je rejoue exprès une scène, une situation, que je photographie. Après cela, je m’efforce de la redessiner avec l’aide de ma table lumineuse. Le défi étant que cela rentre dans mes cases. Avec cette méthode, je me sens parfois au moins autant metteur en scène ou cameraman que dessinateur. Un ami auteur (Gürn) dit que je fais un peu du Kiki Picasso en BD !
Fais-tu beaucoup d’ébauches ou travailles-tu sans filet ?
Sans filet pour tenter de conserver un style underground à mon travail. D’ailleurs, je me fais un point d’honneur à ne tracer aucun trait à la règle ; et surtout pas les contours de mes cases ! Mais vu que je travaille à la table lumineuse, la dimension « underground » est toute relative…
Quelle musique écoutes-tu en travaillant ?
Polnareff, Hubert Mounier, Sheller, Frasiak, Juliette Armanet… De la pop des années 80-90… Des trucs que je peux chanter/hurler en même temps que je dessine. C’est libérateur !
Qu’est-ce que tu détestes dessiner ?
Les mains ! Ça ne supporte pas l’approximation. Ce qui tombe mal, vu mon style de dessin.
Quelle facette de ton travail te déplaît le plus ?
Caser dans les cases… Plus exactement, caser mes textes dans mes cases. Je suis archi bavard. Ce que j’écris au départ ne tient pratiquement jamais dans mes cases. A chaque fois, je suis obligé d’en retirer au moins 30 %. C’est particulièrement pénible !
Quel super pouvoir aimerais-tu avoir ?
Le don d’ubiquité. Faire plein de trucs à la fois avec des tas de personnes différentes.