UN NOËL POUR LES ENFANTS À AIX-EN-PROVENCE
Après Anne Simon en 2023, c’est au tour de Christophe Bataillon de dessiner cette année le visuel des festivités de Noël à Aix, avec en guest-star le Roi René. Né une paire de rollers aux pieds, Christophe adore raconter des histoires rigolotes tout en dessinant des compositions où l’accumulation et le sens du détail prédominent. Une bonne occasion de lui poser quelques questions sur sa manière de travailler et ses inspirations pour les enfants…
QUESTIONS-RÉPONSES
BD-AIX : J’ai lu que tu t’es lancé dans la BD parce que, plus jeune, tu avais le don de louper les répétitions de ton groupe de théâtre. C’est vrai ?😊
CHRISTOPHE BATAILLON : Tu es bien renseigné ! Plus jeune je faisais du théâtre mais j’aimais beaucoup voyager. Je ne pouvais alors assister aux répétitions ce qui avait le don d’énerver mes partenaires. Lorsque je fais de la BD, ce sont bien les mêmes mécanismes que je mets en œuvre. Mes personnages entrent dans la case, déclament leur texte et ressortent. La différence avec le théâtre est que mon casting est toujours juste. J’évite aussi l’ego des acteurs et je peux raconter mes histoires tout seul dans mon salon. D’ailleurs, des auteurs comme Copi ou Peyo se réclament eux-aussi du théâtre, je m’inscris dans cette démarche.
BD-AIX : Tu dessines pour la presse et l’édition jeunesse. On sent que tu aimes apprendre des choses aux enfants, mais toujours avec humour et sans oublier de leur raconter des histoires. Est-ce que l’on peut dire que c’est ta marque de fabrique ?
CB : Je suis flatté mais ce n’est pas toujours vrai. J’ai l’habitude de dire que je fais parfois des livres très bêtes (je mets dans cette catégorie la plupart de mes livres jeux, les Cherche et trouve, les coloriages…). Pour contrebalancer je m’attelle à des séries « intelligentes », des livres très pédagogiques ou j’essaie de transmettre des savoirs et mes valeurs. J’aime mon public et ne le changerais contre aucun autre. Les enfants, s’ils trouvent un dessin moche ils le disent et s’ils s’ennuient, ils se barrent. Les adultes perdent cette honnêteté en grandissant… Sans oublier que c’est en les divertissant qu’on fait réfléchir les minots, aussi j’ajoute des blagues et des situations cocasses.
BD-AIX : Cette année, tu dessines pour les fêtes de Noël à Aix-en-Provence. L’année dernière, Anne Simon, avait mis en scène la fontaine de La Rotonde. Toi, tu as choisi de dessiner la fontaine du Roi René. Pourquoi ce choix ?
CB : En avril dernier, je cherchais, avec mon fils, le couvent des Prêcheurs pour la journée de dédicace du Festival BD. Je filais depuis la gare (j’habite à Marseille) jusqu’au bout du cours Mirabeau. Alors que je cherchais mon chemin, une dame s’est prise d’affection pour mon petit. En papotant, elle lui a expliqué qui était le Roi René mais aussi qu’à sa mort, on a cuisiné un calisson géant en sa mémoire ! Je ne sais pas si l’anecdote est vraie, mais je trouvais chouette l’idée de choisir le Roi René, en souvenir de cette petite dame. Je suis artiste et mon rôle est d’être une éponge, on ne sait jamais quand l’inspiration nous tombe dessus.
BD-AIX : Sur la fontaine transformée en patinoire, on retrouve une multitude de petits personnages et d’animaux. Qui sont ces lutins et où puises-tu ton inspiration pour les mettre en scène ?
En dessinant la fontaine du Roi René, j’aimais bien l’idée de glisser des personnages imaginaires ou des petits animaux pour les enfants. Depuis que je suis père, Noël est redevenue une fête. Je redécouvre grâce à mon fils cette magie qu’on oublie un peu en grandissant. J’ai réalisé ce visuel en pensant aux enfants d’Aix, et rien qu’à eux ! Même si mes girafes ont un museau de chien, je croise les doigts pour que le dessin plaise aussi aux grands. 😊
BD-AIX : Tu portes un regard bienveillant sur l’enfance. Quel souvenir gardes-tu des fêtes de fin d’année ? As-tu une anecdote à nous raconter ?
J’ai tendance à dire que pour s’adresser aux enfants, il faut avoir eu une enfance heureuse (ce qui est faux, Sempé racontait qu’il avait été très malheureux petit !). Quand on devient parent, on se pose la question : que dois-je dire à mon enfant ? Moi, j’en fais des tonnes et à bientôt sept ans, il croit dur comme fer au Père Noël ! Je me souviens que petit je me suis installé dans le couloir qui menait à ma chambre avec la ferme intention de le voir. Je ne sais comment, je me suis retrouvé au matin bordé dans mon lit. Et il y a deux ans j’ai trouvé mon fils le nez collé à la fenêtre, furieux car, lui aussi, il s’était endormi… 😊
BD-AIX : En 2022, tu as réalisé l’exposition Chez Monsieur Paul (et le journal qui va avec) dans le jardin de l’atelier Cezanne. Quel était le défi de travailler sur Cezanne, tout en s’adressant aux enfants ?
Je venais juste de publier Le secret des couleurs. Cet ouvrage a pour ambition de vulgariser la « théorie des couleurs » de Goethe, celle de Johannes Itten, pour les enfants de 6 à 10 ans. Or, quelle ne fut pas ma surprise de constater que certains écrits de Cezanne résonnent avec les propos de mon livre et les théories des anciens. J’avoue, je ne connaissais que peu la vie de Cezanne avant ce projet. C’est l’équipe de l’atelier Cezanne qui su me conseiller et m’orienter. Un très très grand merci à elle(s) !
BD-AIX : Le secret des couleurs est le troisième tome d’une série que tu as imaginé chez Gallimard (avec Un rond deux points et Raconte-moi ton dessin) pour apprendre aux enfants à dessiner. Il ne s’agit pas d’un simple manuel du « bien dessiné ». Peux-tu nous dire qu’elle était ton envie de départ ?
CB : L’un des aspects de mon métier est de me rendre dans les classes, les médiathèques, à la rencontre du public, pour parler de ce drôle de travail. Depuis 20 ans, j’ai rencontré beaucoup d’enfants jusqu’à être atteint du « syndrome du perroquet ».😊 C’est là que j’ai eu envie de faire un livre sur cette expérience dans les classes. Le livre a super bien marché (on a d’ailleurs gagné des prix !) et l’éditeur m’a demandé de continuer. Plus que des leçons de dessin, c’est de donner envie aux petits lecteurs de raconter des histoires en dessinant que j’espère provoquer. Ces 3 tomes permettent aussi aux professeurs de se sentir armés pour leur parler de narration, de couleurs…
BD-AIX : Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
CB : Beaucoup de choses. La trilogie est prochainement publiée en Chine et nous travaillons depuis la France à sa promotion. En parallèle, je dessine pour le Journal de Spirou et j’ai été appelé en renfort sur l’écriture de la série Énigmes à tous les étages aux éditions Bayard. Ce sont des livres dont vous êtes le héros, co-écrits avec Paul Martin et Erwann Surcouf. Le quatrième tome est sorti il y a peu et nous travaillons sur le cinquième volume. Enfin, je suis en train d’écrire mon nouveau livre jeunesse, L’araignée de compagnie. C’est une histoire qui est arrivée à mon fils quand il avait 4 ans. Quand on est parent, il n’y a qu’à être attentif et l’inspiration vient toute seule !
BD-AIX : Pour conclure, Noël est bientôt là, peux-tu nous conseiller un livre, un film, un plat et une chanson ? 😊
Sans hésiter : Henry, James et les autres d’Anne Simon aux éditions Misma, Emilia Pérez de Jacques Audiart, mes fettucini sauce Roquefort du dimanche et enfin Hertz d’Amyl & The Sniffer, à écouter dès le réveil !
Pour retrouver le programme des festivités à Aix-en-Provence, illustré par Christophe Bataillon, rendez-vous sur le site de l’Office de Tourisme.
