Pierrick Starsky, collectionne les casquettes (au sens propre comme au figuré) : scénariste, écrivain, éditeur, rédac’chef, parolier, musicien, journaliste, animateur radio, poète, éditorialiste, directeur d’ouvrage, ou conférencier, il n’est expert en rien, mais intéressé par tout. Il est aussi passé par des cases professionnellement moins épanouissantes (ouvrier à la chaîne, manutentionnaire, chauffeur livreur, barman…) qui l’auront enrichi pour sa construction critique et sociale, mais appauvri pour le reste. Entre deux, il anima des ateliers d’écriture pour publics dits isolés, notamment en prison.
Il a co-fondé en 2009 les éditions Même Pas Mal, qu’il quitte quatre ans plus tard pour créer et diriger le magazine AAARG! spécialisé dans la Bande dessinée et la Culture Bis.
Pierrick Starsky se consacre aujourd’hui principalement à l’écriture et à la création (musique, podcasts). Plusieurs ouvrages sont en cours d’écriture. On le trouve également régulièrement dans les pages de Fluide Glacial ou Siné Mensuel.

Pour aller plus loin : AAARG !Chroniques de NullepartArturo Scénarii

SPEED-DATING-AUTEURS A LA MAISON BDAIX

Quelle facette de ton travail te déplaît le plus ?
Finir ! C’est terrible, mais j’ai beaucoup de mal à finir les choses, en tout cas dans le prisme de la création ; dans tous les domaines, à vrai dire, même pour le ménage, le problème se pose. Il n’y a bien que mon assiette que je finis sans rechigner.
J’ai du mal à passer la dernière couche. Parce que je sais que je verrai les choses comme toujours, améliorable. Parce que, sans recul, j’ai peur que ce soit raté. Alors, si mon travail n’est pas assujetti à une deadline (ennemie et alliée), je le mets de côté, je passe à autre chose, bien qu’il ne reste que la touche finale à poser, le coup d’enduit, les dernières relectures et corrections. De côté avec… les autres. Les dossiers s’accumulent. Bon, quelquefois, cette dernière touche est un gros chantier de rénovation, faut le dire. Je procrastine la finition.
J’ai pris la résolution de finir les projets un par un à partir de maintenant. Une vraie période charnière, je ne vais plus travailler sur vingt choses en même temps et je vais finir. Un petit pas pour l’humanité, mais un grand pas pour moi.
L’acte de finir demeure quelque chose qui m’est particulièrem…

Quel autre métier aurais-tu aimé faire ?
Aucun ! Et pourquoi « autre » ? Je n’exerce pas de métier, moi, Madame. Attention, hein, je ne dénigre pas. J’admire ce côté artisan que je trouve chez la plupart de mes connaissances qui œuvrent dans la création. Ce savoir-faire abouti, cette précision, cette érudition… 
J’ai exercé plein d’activités différentes par le passé. Je continue à cette heure, avec plusieurs pratiques concomitantes. La différence est qu’aujourd’hui (pourvu que ça dure), je ne fais que des choses qui me plaisent. Si l’on excepte mettre la couette dans sa housse, ou bien être en retard, ce qui m’arrive tout le temps ; mais je m’égare. Je ne saurais pas faire un « métier » de mes pratiques. J’ai besoin de me renouveler, d’expérimenter, de tester… J’ai été dix ans éditeur, mais même alors que c’était mon étiquette principale, elle ne me correspondait pas vraiment de façon intrinsèque. Même si ça me passionne et que je le fais avec beaucoup de sérieux. Si je ne devais en avoir qu’une, d’étiquette, ce serait celle « d’écrire des trucs ». De tout (tant que ça me plaît). J’ai cette appétence à l’écriture, ce besoin de raconter depuis tout petit. Je ne peux pas vivre sans. Mais je ne considère pas ça, à mon propre égard, comme un métier, même si ça fait partie de moi. J’en vis, et c’est une chance. Chacune de mes pratiques nourrit les autres. Écrire apporte de l’acuité à mon œil d’éditeur. Éditer m’apporte un regard critique sur mes écrits. Enfin, j’espère. Donc, je ne veux faire aucun métier, mais je veux encore m’essayer à de nombreuses choses. Mon premier amour étant le cinéma, je ferais peut-être un film un jour, qui sait… ?
Donc, mille pratiques, mais pas de métier. Enfin si, un seul peut-être : papa.

Quelle est ta méthode de travail ?
La méthodologie est différente selon ce que j’écris. Pour un scénar, 90 % de la trame narrative se crée en amont, dans la caboche, et je me mets derrière mon écran pour la mise en forme, ce qui n’est pas rien (découpage, dialogues, cohérence, etc.). Sur un récit littéraire, j’ai la base en tête, puis c’est en écrivant qu’une voix intérieure (qui paraîtrait presque extérieure, lointaine) prend possession de moi et me dicte les choses. Pour un texte court, poème, chanson, ça part souvent d’une phrase, et je laisse couler le premier jet. Puis je retravaille autour, je raye, je reprends, je rafistole. Plus que de l’artisanat, c’est un minutieux bricolage, non dénué de savoir-faire, mais laissant une porte ouverte à l’improvisation, l’inattendu. 
Le moment que je préfère, dans le processus créatif, est sans doute celui où une histoire tisse sa matière, soit intérieurement, mon esprit vagabondant, soit sur la feuille, m’étant dictée par cette voix intérieure qui jaillit de loin. Ça me met dans un état second, je suis transporté.

Quel super pouvoir aimerais-tu avoir ?
Merci de poser cette question. Je vous serre chaleureusement la main. Si si, j’insiste. Les interviews manquent trop souvent de fantaisie ! C’est une question fantasmagorique que je me pose souvent, figurez-vous. Avec celle des trois vœux du génie de la lampe (question pour laquelle j’ai mentalement élaboré un plan incroyable, mais on n’a pas le temps, désolé) … Je disais… Ah oui, « quel super pouvoir », je m’interroge sans cesse à ce propos.  On s’engueule d’ailleurs régulièrement avec mon fils (11 ans, une teigne opiniâtre quand le sujet est aussi sérieux !) sur la question. À son sens, la télétransportation est LE pouvoir. Mais je considère que c’est trop dangereux. J’ai un goût prononcé pour l’oisiveté (par périodes, j’alterne avec des journées de 48 heures), et je bosse assis. Marcher est important pour mon dos (ce qu’il en reste), pour mon espérance de vie (espérons-le) et pour dénouer les nœuds narratif de mes histoires. Les voyages aussi m’importent, en train ou en voiture (pas pour l’espérance de vie, mais pour les nœuds narratifs). J’ai besoin de chaque étape en toute chose.
Donc non, pas la télétransportation. Votre question est formidable, mais elle est insoluble. Parce que dans un sens, je les veux tous les pouvoirs. Mais à y réfléchir, je n’en veux aucun. Voler ? Un coup à se prendre un goéland dans la trogne. Puis il doit faire rudement froid là-haut. Lire dans les pensées ? Mais c’est la dépression assurée ! La force surhumaine ? Malheur ! Je suis trop maladroit. Je tuerai des copains d’une tape dans le dos. La jeunesse éternelle ! Ah non, voir tous les siens partir, non… Voilà, merci, vraiment. Rah… ! Vous m’avez déprimé avec vos questions à la con !
Je préfère les trois vœux du génie, mon plan est béton, mais désolé, on n’a pas le temps.

Quel est ton mot préféré ?
Il fut une époque où j’essayais de caler « pusillanimité » dans chacun de mes textes, rapport à un pari, mais j’ai fini par le perdre (assez vite), la répétition étant agaçante. J’aime bien ce mot quand même. D’un point de vue sonore, j’apprécie beaucoup « cucurbitacée », « rhododendron », « pignouf », « truffe » (« pauvre truffe » est une invective que je chéris, pour le fond comme pour la forme) ou « miam ». Mais à bien y réfléchir, le mot le plus chouette pour sa forme, et plus qu’un mot, un langage, un credo joyeux, un plaisir gustatif (si si !), c’est le mot « Schtroumpf ».
Pour le fond, il n’y a qu’un mot qui mérite qu’on s’y attarde quotidiennement, il contient la vie, soi, les autres et tout ce qu’il y a de plus chouette. « L’amour », pardi.
J’aime bien pardi aussi, mais juste à l’écrit.

Ta plus grande qualité ?
Aller droit au but, sans jamais digresser. Est-ce vraiment une qualité, au fond, puisque ce n’est pas une particularité acquise, mais plutôt un trait de caractère inné. Ma mère disait souvent, à ce sujet, une chose formidable. Je me souviens encore de ce jour à Palavas les flots où elle planta ses yeux dans les miens, et me dit… C’était un mercredi, je crois. Je le précise parce que c’était le jour de la glace, et que ce jour avait une saveur particulière. Ai-je précisé que nous étions en vacances ? Aaaah, les vacances, c’est… Allô ? Allô ? Merde, il n’y a plus personne au bout du fil. Il va falloir finir, alors, c’est vraiment le moment le plus…

Pierrick-Starsky---Auteurs-a-la-maison---BDAIX